Philippe Tavaud – un chasseur d’art et d’émotions

La critique d’art Julija Palmeirao s’entretient avec

le collectionneur d’art

Lunettes bleues et sourire sincère sont peut-être les principales caractéristiques du collectionneur d’art Philippe Tavaud. Toujours habillé avec style et entouré d’artistes et de confrères galeristes, Philippe participe activement aux processus artistiques français. Il se définit avant tout comme un Stakhanoviste de l’art qui nourrit son amour inextinguible pour l’art de plusieurs centaines de visites annuelles de galeries, musées, foires d’art et ateliers d’artistes. Sur son compte Instagram, vous pouvez trouver un éventail riche et complet d’événements artistiques, d’œuvres d’art et d’artistes. P. Tavaud collectionne non seulement l’art contemporain, est conseiller artistique et membre de jury de projets artistiques locaux et internationaux, mais il organise parfois lui-même des expositions et intervient dans le processus d’acquisition d’œuvres d’art.

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Vous êtes bien connu dans le milieu artistique parisien. Comment vous êtes-vous retrouvé dans ce milieu? Vous travaillez dans un domaine complètement différent.

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« Bien connu », peut-être est-ce un peu présomptueux (rire). Disons plutôt que je connais beaucoup de monde. C’est mon insatiable appétit pour l’art en général, et l’art contemporain en particulier qui me fait fréquenter chaque année beaucoup d’expositions dans les galeries et les musées, participer à de nombreuses foires d’art contemporain et visiter des ateliers d’artistes. Les événements faisant les rencontres, j’ai développé un important réseau relationnel. Ma passion pour l’art contemporain se nourrit aussi beaucoup de la chaleur des rapports humains.

Je travaille en effet dans un tout autre domaine, je suis Key Account Manager chez un éditeur américain de logiciels. Sphère privée et sphère professionnelle ne se rencontrent que rarement. L’art est mon jardin, mais pas un jardin secret puisque tout le monde connaît ma passion.

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Quand avez-vous commencé à collectionner des œuvres d’art? Qu’est-ce qui vous a inspiré cette démarche?

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Ma passion est ancienne mais le début de la collection est beaucoup plus récente. J’avais déjà acheté quelques œuvres classiques il y a 30 ans mais les premières acquisitions de pièces d’artistes véritablement contemporains ont débuté il y a seulement une douzaine d’années. Le rythme des acquisitions s’est accéléré d’année en année. Quand on aime l’univers d’un artiste, on souhaite en ramener un petit bout chez soi. Sans collectionneurs il n’y aurait pas d’artistes ; collectionner c’est aussi modestement participer à faire vivre ceux qui me donnent tant de plaisir en alimentant ma passion.

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Votre collection possède-t-elle un trait distinctif que vous utilisez pour choisir vos œuvres? Que collectionnez-vous?

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Aucune ligne directrice ne traverse ma collection. S’il y en une, seul un œil extérieur pourrait peut-être la déceler.

Seul le coup de cœur me guide. Je choisis rarement avec ma tête mais plutôt avec mes tripes. Mes choix sont irraisonnés car passionnés.

Je collectionne de la peinture beaucoup, mais du dessin aussi, de la photo, de la sculpture. J’ai un goût certain pour le figuratif même si je possède de nombreuses œuvres abstraites. Dans la collection se côtoient art contemporain surtout mais aussi art brut et art urbain.

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Êtes-vous un acheteur d’art spontané? Dans quelle mesure votre famille participe-t-elle à l’acquisition de nouvelles œuvres d’art?

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Comme je fonctionne au coup de cœur, il y a beaucoup de spontanéité dans mes achats même s’il m’arrive parfois de suivre longtemps un artiste, dont j’apprécie l’univers, avant de trouver la pièce qui me fasse « craquer ».

Depuis le début de cette interview, nous parlons de ma collection mais celle-ci est aussi celle d’un couple. Pour les œuvres les plus « impactantes » par leur prix, leurs dimensions ou par le sujet qu’elles traitent c’est un consensus qu’il nous faut trouver mon épouse et moi. Pour des pièces plus modestes, je m’autorise à les acquérir même si je sais qu’elles ne plairont peut-être pas à ma moitié. Il arrive aussi parfois que l’un offre à l’autre une œuvre.

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Avez-vous une histoire particulière à propos de votre collection?

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J’en aurais beaucoup à raconter car chaque acquisition est souvent celle d’une relation, le début ou la continuation d’une histoire avec l’artiste bien sûr mais le galeriste aussi parfois. À chaque œuvre son histoire particulière donc. Une anecdote néanmoins : mon fils, alors adolescent, avait particulièrement aimé une aquarelle d’un artiste américain alors même que jusqu’alors il estimait que nous dilapidions inutilement l’héritage (rire). Un soir, tandis que je me plaignais du froid dans la maison, il m’avoua qu’il avait coupé quelques radiateurs de peur que la chaleur n’abîme cette œuvre qu’il pensait fragile.

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Votre collection comprend de nombreuses œuvres de jeunes artistes. Pourquoi choisissez-vous d’acheter des œuvres d’artistes jeunes et inconnus?

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Il est vrai que notre collection est largement composée d’œuvres de jeunes artistes émergents (depuis qu’ils sont rentrés dans notre collection certains ont cependant vieilli et se sont vu consacrés).

Je ne suis pas milliardaire, donc le budget consacré à notre collection n’est pas intarissable. Choisir de jeunes artistes nous permet d’acquérir plus de pièces ou des pièces de plus grandes dimensions. Et quel bonheur quand vous êtes parmi les premiers collectionneurs d’un jeune artiste le voir rencontrer le succès, au-delà de la valorisation financière des pièces acquises qui nous importent peu, c’est la satisfaction d’avoir eu l’œil, de déceler en premier celui qui allait rencontrer le succès et de l’accompagner au fil des ans dans sa carrière.

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Comment Instagram est-il entré dans votre vie et qu’est-ce qui vous a rendu si actif dans le partage d’informations sur les expositions, les artistes et les œuvres d’art sur cette plateforme?

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Instagram me sert d’abord comme un bloc-notes personnel pour garder en mémoire les expositions, œuvres et artistes qui m’ont séduit ou interpellés. Et en second lieu comme un espace où partager simplement avec les autres ma passion de l’art contemporain. Instagram est aussi comme une carte de visite qui contribue à ma modeste notoriété et permet au monde de l’art contemporain de m’identifier. Les artistes me remercient fréquemment de partager leur travail et de nombreux followers m’encouragent souvent à continuer à leur faire découvrir ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas voir, faute de temps ou parce qu’ils ne peuvent pas se rendre là où je vais.

Cette année, vous faites partie du jury du prix du jeune peintre balte Young Painter Prize. Le premier tour a déjà été sélectionné, vous avez donc déjà vu toutes les œuvres des prétendants au prix principal. Dites-moi, quelle est votre première impression de la jeune génération dans la région balte ?

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Les 80 dossiers d’artistes à voir ont représenté du travail d’autant que j’ai tenté de le faire très sérieusement. J’ai vu des choses très variées et je l’avoue de qualité parfois inégale mais toujours d’une grande fraîcheur. Une quarantaine d’artistes ont attiré mon attention et une vingtaine méritent pour moi d’être finalistes. J’ai bien évidemment un favori, mais chut, je ne vous dévoilerai rien avant le 18 novembre (rire).

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Quelle est votre opinion sur ce concours et autres concours similaires?

C’est bien que des concours soient organisés pour les artistes, d’autant plus quand ils sont jeunes. Cela leur permet d’accéder à une plus grande visibilité et pourquoi pas de lancer leur carrière. Au-delà de l’espoir de gagner peut-être, en confrontant leur travail à celui d’autres artistes, cela 

leur permet également de se situer pour progresser encore. Déjà juré dans des prix en France, c’est la première fois que je me livre à cet exercice à l’étranger. Je suis impatient et très excité de me rendre à Vilnius au mois de novembre.

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L’interview originale a été publiée dans le magazine lituanien « Literatūra ir menas »

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Merci.

Photo: Daiva Kairevičiūtė

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