Les Eaux Profondes
Une conversation avec l'artiste Christine Barbe
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Christine Barbe / l’atelier de Nice
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Christine Barbe est une artiste française dont le parcours créatif a été enrichi par ses expériences dans deux centres artistiques majeurs : New York et Paris. À chaque rencontre, elle ne cesse de m’étonner par son dynamisme et sa vivacité. Avec un regard toujours ardent, elle partage avec curiosité et générosité les connaissances qu’elle a accumulées. Passionnée et travailleuse, elle continue d’expérimenter sans cesse dans ses créations artistiques, tout en explorant des thèmes essentiels tels que l’humanité, la condition féminine et la nature. Christine Barbe excelle dans la représentation d’une dialectique des contraires, mettant en lumière les incohérences, contradictions, paradoxes et limites du monde. C’est cette richesse de contrastes qui définit son langage artistique unique.
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Son œuvre, enrichie par de nombreux voyages et une vaste expérience des pratiques plastiques, bénéficie d’une reconnaissance internationale grâce à de nombreuses expositions en Europe et aux États-Unis. De la gravure au dessin, de la peinture à la photographie, et jusqu’à la vidéo, Christine Barbe explore un large éventail de techniques, nourrissant son travail d’une riche diversité de médiums et d’expériences. Son travail a été largement exposé à l’international, avec des présentations notables dans des institutions prestigieuses telles que le Musée d’Art Moderne de Grenoble, le Musée du Couvent des Cordeliers, la Fondation Coprim à Paris, le Musée d’Art Moderne de Tokyo au Japon, le San José Institute of Contemporary Art aux États-Unis, la Fondation Deutsch à Lausanne en Suisse, le Palais de Raïssouni à Asilah au Maroc, et le Musée d’Art Contemporain de Ningbo en Chine. Ses œuvres figurent également dans de nombreuses collections privées aux États-Unis, au Japon et en Europe, ainsi que dans divers musées, fondations d’art et arthothèques. Je suis impatiente d’interviewer l’artiste et de partager avec vous son histoire inspirante.
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Peux-tu te présenter brièvement et nous parler de ton parcours artistique en quelques mots ?
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Je suis née en France, à Grenoble, une ville entourée de montagnes. J’ai étudié aux Beaux-Arts de Grenoble, mais j’ai vite trouvé que c’était trop étroit d’esprit. Je suis donc partie à Paris, où j’ai étudié à l’Université des Arts Plastiques Saint-Charles de Paris et à l’Institut d’Art et Archéologie de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. En parallèle, j’ai suivi une formation de graveur et j’ai également été imprimeur taille-douce dans des ateliers parisiens. Tout en poursuivant ces études et formations, j’exposais déjà régulièrement mon travail.
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Je n’explique pas mon obsession pour l’art (en anglais, le terme « drive » conviendrait très bien)… C’est bien plus qu’un simple intérêt pour l’art. J’ai toujours dessiné depuis toute petite ; le dessin et la lecture étaient mes centres d’intérêt prédominants. Enfant, mon jeu préféré avec une cousine était de dessiner sur un thème que nous nous fixions. Des heures durant. Cette passion pour le dessin reste un mystère (un échappatoire ?), car dans toutes les branches de ma famille, il n’y a aucun lien, que ce soit visuel ou vécu, avec l’art. Rien. Durant mon enfance, mes parents ne m’ont jamais emmenée dans un musée, il n’y avait pas de tableau au mur, et ce n’était pas un sujet de conversation. Dans cette ville de Grenoble où chaque point de fuite de rue est barré par une montagne, j’ai ressenti un sentiment d’enfermement, de vie morne et répétitive, et je n’ai cessé de vouloir en partir. Je crois que ce sentiment d’enfermement est sous-jacent dans mon travail.
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OVNI. 2023. International Video Art Festival . Installation. Vidéo dans caisson et 6 dessins enchâssés dans caissons rétroéclairés..
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Peux-tu nous parler du début de ton parcours créatif ? Quelles ont été tes premières inspirations et influences artistiques ? Y a-t-il des personnes en particulier, comme des mentors, des artistes ou des proches, qui t’ont inspirée sur le plan créatif et aidée à façonner ton style ?
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Le début de mon parcours créatif, c’est mon inscription en cachette de mes parents aux Beaux-Arts de Grenoble. Devant le fait accompli, mes parents se sont résignés… puis m’ont beaucoup soutenue ! Mais j’ai vite trouvé l’enseignement de cette école trop étroit d’esprit, trop classique, trop dirigiste.
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Je suis donc partie à Paris et j’ai commencé des études universitaires en Arts plastiques à l’Université des Saint-Charles de Paris, ainsi qu’en Cinéma à l’Institut d’Art et d’Archéologie de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. En parallèle, j’ai suivi une formation de graveur et j’ai travaillé comme graveur et imprimeur en taille-douce dans divers ateliers professionnels à Paris pour payer mes études. J’ai aussi étudié la gravure dans des ateliers de tendances diverses, comme l’Atelier Goetz pour la gravure au carborundum et l’atelier américain de S.W. Hayter.
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J’ai entamé une maîtrise en Arts plastiques sur le thème « La gravure, art majeur au Canada », sans toutefois l’achever. Tout en poursuivant mes études, j’exposais régulièrement mon travail. J’ai commencé à exposer dans des Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC), montrant des dessins à la mine de plomb et au stylo Bic. J’aimais beaucoup Toulouse-Lautrec pour sa capacité à pratiquer de nombreuses techniques, comme le crayon, la peinture sur toile, la peinture à l’essence sur carton, la lithographie, ainsi que pour son sens du cadrage.
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J’ai été inspirée par Rodin ; je faisais poser des couples d’amis sur le thème de sa sculpture « Le Baiser », et je développais des séries de gravures ressemblant à des arrêts sur images ou à des planches-contact, comme dans un film où la caméra tournerait autour du couple en train de s’embrasser. Je travaillais également sur de grands pastels secs sur le thème du baiser, des corps enlacés, de l’étreinte.
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Francis Bacon a également été très important pour moi. Je peignais sur de grands draps, représentant la déformation tourmentée de corps et de visages. Aussi loin que je puisse me souvenir, le monde de l’étrange, du grotesque et de l’enfermement a toujours fait partie de mon inspiration.
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Quelles étaient tes inspirations initiales ? Y avait-il des artistes ou des mouvements artistiques qui t’ont particulièrement marquée à tes débuts ?
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Quand j’étais jeune artiste, je pensais que si l’on persévérait en tant qu’artiste, la carrière se déroulerait en crescendo… et j’y croyais fermement. L’idée que la persévérance conduirait inévitablement au développement de ma carrière me donnait une volonté effrénée.
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Comme artiste émergente, j’ai connu des périodes très fastes. À l’époque, mon travail était exposé et collectionné, et cela me semblait normal ! Cela m’a beaucoup encouragée. Il y avait beaucoup de galeries à Grenoble et une grande émulation artistique.
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J’étais très obsédée par le travail en atelier, l’expérimentation de diverses techniques et la recherche de visibilité à travers les galeries et les expositions. Toute ma vie était dirigée dans ce sens. J’étais déterminée à ce que ma vie soit le moins entravée possible, d’où le choix de ne pas avoir d’enfants. Je vivais là où mes possibilités artistiques me menaient. C’est ainsi que je me suis installée dans divers pays pour de longues périodes, en Europe du Sud et du Nord, aux Antilles et en Afrique du Nord.
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Ces déplacements étaient initialement liés à des invitations en résidence, comme en Allemagne (Centre Wannsee, Berlin) où j’ai enseigné des masterclasses de gravure, ou au Maroc pour la résidence artistique « Moussem d’Asilah », où j’ai travaillé la technique du monotype, etc.
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Longtemps, je ne me suis pas posé la question d’être heureuse ou malheureuse, mais plutôt de vivre intensément. Et c’était un sentiment puissant qui m’a beaucoup portée.
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Christine Barbe / l’atelier de Californie
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Tu as passé une décennie aux États-Unis, considères-tu que cela influence ton art ? Quelles solutions artistiques, typiques de l’art américain, as-tu apportées avec toi de ta période californienne et new-yorkaise ?
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Ces invitations à résidences m’ont amenée à rencontrer des artistes américains avec lesquels j’ai commencé à échanger nos ateliers. Ils venaient dans mon atelier en France pendant quelques mois, et j’étais invitée à travailler dans leur atelier aux USA. C’est dans le cadre d’une bourse (Bourse Conseil de Santa-Clara) que j’ai saisi l’opportunité de m’installer en Californie.
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Oui, j’ai été influencée par le vocabulaire visuel du Pop Art. J’ai commencé à utiliser les couleurs vives qui caractérisent ce mouvement. Mon travail était une sorte de synthèse du style du Pop Art et de la subjectivité des expressionnistes avec leur esthétique figurative. J’ai également été influencée par la force des couleurs et la lumière aveuglante de mes séjours en Afrique du Nord.
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J’étais en phase à cette époque avec les thématiques du Pop Art, qui s’inspiraient de la culture de masse et de la société de consommation. Pendant ma « période californienne », je me suis concentrée sur les gens et sur ce que m’inspiraient leurs activités, vues de mon point de vue d’Européenne. Mes instantanés dans les salles de billard ou près des piscines reflétaient leur façon de partager des moments autour des jeux, plutôt qu’autour de discussions. C’était très déconcertant pour moi ; j’y voyais un isolement mental, un masque sur la réalité. Ce mode relationnel, où tout semble toujours aller bien en apparence, m’interrogeait.
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J’ai également dépeint les rituels des diverses cultures de Californie, dont je ne comprenais pas toujours la signification. C’était une peinture sur l’isolement des êtres, contrastant avec la palette de couleurs de la côte ouest et la lumière californienne. Cette ambiguïté entre thèmes critiques et couleurs rayonnantes contribuait à une interprétation volontairement équivoque de « peinture joyeuse ». J’aime brouiller les pistes.
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Les œuvres de cette époque étaient exécutées de manière vive et rapide, avec des distorsions des personnages, des cadrages particuliers, et des couleurs brutes et chaudes. La lumière des blancs effaçait le relief et la profondeur de champ traditionnels, le blanc éclatant ayant la valeur d’une couleur. La galerie qui me représentait en Californie était très active auprès de ses collectionneurs et elle vendait tout !
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Grâce à cette période de succès, j’ai pu m’établir à New York économiquement.
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New York et sa faune ont constitué une mine inépuisable de sujets. Je me promenais avec un carnet de dessins, croquant des situations, des physiques, des perspectives, des éléments architecturaux. Je mettais en place ces esquisses sur la toile et, avec une gestuelle très spontanée, j’appliquais des aplats successifs de couleur en transparence avec des rouleaux. Puis je retravaillais ces surfaces par rajouts ou effacements ; le graphisme était plus « incisé » que « dessiné ».
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J’ai peint ainsi le chaos et l’isolement des masses rassemblées de la ville, une mosaïque de panneaux, de signalétiques, d’injonctions, et de personnes. C’était un expressionnisme urbain montrant l’énergie chaotique de New York. Cette période « américaine » démontait la notion du mythe du « rêve américain » ; j’ai essayé de traduire l’envers du décor, l’illusion de l’égalité des chances de réussir et d’accéder à une vie meilleure. Malaise urbain, foule solitaire, difficulté d’être et de trouver sa place.
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Christine Barbe / L’atelier de New York . Loft à Tribeca.
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Pourquoi as-tu décidée de quitter l’Amérique ? Et comment as-tu réussi à te réintégrer en France après une si longue absence et une influence américaine marquée sur ton travail ?
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Ce retour en Europe au début des années 90 est lié à une rencontre et à la possibilité d’une nouvelle représentation de mon travail en France avec une galerie plus importante. Cette nouvelle galerie m’a organisé énormément d’expositions personnelles en Europe, en Suisse, au Japon. Cette période a été très faste en termes de quantité d’expositions, de réception de mon travail et d’économie florissante. Cette galerie avait de gros collectionneurs, était influente et vendait très bien. Une période bénie.
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Puis sont arrivés des bouleversements mondiaux, comme la guerre du Golfe, qui a affecté tout le monde de l’art moderne et contemporain. Il y a eu un effondrement du marché de l’art en 1991. Du jour au lendemain, de nombreux projets d’expositions ont été annulés parce que les budgets étaient retirés, ou parce que des responsables de musées, de galeries et de centres d’art ont été licenciés ou leurs postes dissous.
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À la même époque, le SIDA a fait des ravages. Le directeur associé de la galerie à Paris pour laquelle je suis revenue en France en est mort. Cela a été un drame, et la galerie a été dissoute. Je n’avais plus de représentation…
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Cette série de circonstances a eu un très fort impact sur le développement de ma carrière, qui a été fortement freiné. Cela a occasionné une « traversée du désert » qui m’a beaucoup affectée, d’autant plus qu’avec ces années positives, j’étais arrivée à considérer le succès comme naturel. Je suis tombée de très haut.
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Pour couronner le tout, mon travail étant figuratif, il n’était pas dans l’esprit de ce qui se montrait dans l’art contemporain en France. À l’époque, le milieu était très dogmatique et privilégiait les installations et les performances. La peinture était dénigrée, considérée comme désuète.
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Autre chose : j’ai été très perturbée à mon retour en France. Après la joie d’un retour dans ma culture originelle, j’ai éprouvé un choc culturel. La mentalité, les codes, le fonctionnement, tout m’agressait. J’ai ressenti une sorte d’étroitesse et je l’ai très mal vécu. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à travailler sur des thématiques liées à la question de l’identité, de l’appartenance culturelle, du déracinement. Tout ce qu’on comprend sans l’accepter, cet écartèlement.
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Tu travailles avec des supports très variés, notamment la peinture, la gravure, le dessin, l’installation, et l’art vidéo. Comment parviens-tu à naviguer entre ces différents médias et quelles relations ou différences perçois-tu entre eux ?
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Je fonctionne par séries sur le très long terme, et il est vrai que leur esthétique et leur processus peuvent être différents, ce qui peut perturber. Mais leur point commun est la possibilité de convoquer tradition et innovation, le savoir-faire et sa transgression. J’aime trouver de nouveaux champs de possibles créatifs au sein de procédés pleins de contraintes techniques. J’aime énormément expérimenter, et cela peut déstabiliser, j’en ai conscience. Je trouve intéressant de m’adapter aux contraintes du format, de la technique, du support ; trouver des solutions à toutes ces contraintes est sans fin et passionnant.
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J’aime associer les outils traditionnels et les outils numériques, l’image numérique et le geste pictural. La vidéo également offre d’autres possibilités de traitement et de manipulation. Au fur et à mesure que le concept de « photographie plasticienne » trouvait sa reconnaissance dans le marché de l’art, je me suis permis peu à peu de montrer mon travail photographique, qui, bien que recourant au médium photographique, se distingue de son usage classique.
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Dans certaines séries, j’ai imprimé partiellement la toile avec des photographies combinées, évidées, découpées. En attaquant la matérialité de la photographie, je modifie le jeu de valeurs entre l’aspect lisse et non altéré du support d’origine et la matière peinture ou encres. Les vides sont retravaillés avec des encres qui s’entremêlent et se cumulent. Ce travail est constitué de strates : structures photographiques, couches successives de rehauts d’encres, dessins, et applications de différents médiums. Il y a un va-et-vient permanent entre addition et soustraction.
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Qu’est-ce qui nourrit ta créativité aujourd’hui ? Quel message souhaites-tu transmettre à travers ton art ?
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Depuis peu, j’ai déménagé mon atelier de Barbizon, près d’une forêt, à Nice, près de la mer ! Ce changement d’atelier dans une autre ville n’est pas seulement géographique ; il représente aussi une nouvelle façon de vivre, de créer et de se régénérer. Au début, il y a une vraie coupure, c’est angoissant. On est obligé de se réinventer et, dans mon cas, de devenir un peu comme une éponge, en accumulant des éléments. Il faut se laisser submerger par eux pour que la création puisse émerger. Toujours dans ma pratique hybride entre dessin, peinture et photographie, je cherche à trouver une nouvelle façon de les combiner.
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La série qui est en train de naître est intitulée, pour l’instant, « Quand le bruit du monde est tonitruant ». J’appartiens et je participe à cette nouvelle géographie qui m’entoure. J’essaye d’y trouver ma place et mon champ de vie.
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Je me suis remise à travailler avec des dispositifs d’autofilmage et de mise en scène de soi. Je choisis des arrêts sur image et des attitudes que j’imbrique dans des imageries symboliques travaillées en aquarelles et encres : la mer (avec son imaginaire ambivalent : douce ou maléfique, purificatrice ou mortelle, lumineuse ou sombre), les rochers naturels ou les digues (un entre-deux, véritable interface entre la terre et la mer, l’homme et la nature), un bestiaire planctonique sous la surface de l’eau (comme les méduses, qui symbolisent le paradoxe : fascination et répulsion, beauté et danger mortel, mais aussi changement des paramètres environnementaux), la lumière, les éléments architecturaux, les signes, et les injonctions de la ville. Je travaille également sur une grande série de multiples cyanotypes (procédé photographique monochrome bleu cyan), de même format, comme un rituel de clichés d’une nature dévorée par la ville, à l’image d’une marcheuse recevant la réalité du monde.
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Je n’ai aucun doute que tu as suivi activement les tendances dans le domaine de l’art tout au long de ta vie. Dis-moi, que penses-tu de l’art contemporain d’aujourd’hui ?
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Je vais parler de mon ressenti sur la situation de l’art contemporain en France, celle à laquelle je fais face. Le domaine de l’art y a incroyablement évolué depuis que j’ai commencé les beaux-arts. Il existe énormément de possibilités pour les jeunes artistes émergents. Le secteur des résidences s’est immensément développé, mais il faut souvent être un artiste émergent ou avoir déjà un parcours de résidences pour en bénéficier. Ayant vécu longtemps à l’étranger, je n’ai pas ce parcours institutionnel, et je constate qu’ici, en France, c’est un frein. Il y a beaucoup de prix, mais ils sont souvent limités aux artistes de moins de 40 ans pour y accéder, oup’s !
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Une autre chose est devenue une activité à part entière et chronophage ; cela fait partie du « métier » d’artiste, au même titre que créer : constituer des dossiers pour accéder à toutes ces opportunités de prix et de résidences.
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Je vois ces artistes faire toutes ces résidences avec une exposition personnelle à la clé, et surtout, je vois l’ampleur de leurs installations grâce au budget alloué. Cela devient de véritables entreprises avec beaucoup de collaboration avec des artisans spécialisés travaillant à la réalisation de leurs expositions ; cela m’impressionne beaucoup.
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Je me sens en décalage, car ma pratique est plus proche du « do it yourself ». La lecture du livre d’entretien « La vie possible de Christian Boltanski » par Catherine Grenier m’a beaucoup marquée – et confortée – dans ma pratique, car il avouait avoir longtemps eu un complexe sur sa façon de fonctionner, comme s’il faisait du « bricolage », notamment lorsqu’il exposait aux États-Unis. À un moment donné, il a gagné en confiance et a accepté son fonctionnement, celui de « faire plus avec moins », développant ainsi son unicité, et on connaît son parcours…
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Je fais tout moi-même, de la prise de vue photographique à l’utilisation de diverses techniques jusqu’à la réalisation finale de l’œuvre. Je pense souvent à engager quelqu’un pour m’aider ou pour faire le montage de mes films vidéo, mais je recule à chaque fois, car comment transmettre le processus continu du cheminement des pensées et des réflexions qui réagissent à l’œuvre en cours ? Cette œuvre prend souvent une autre direction que celle envisagée et rebondit sur d’autres pistes…
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Ce qui a aussi beaucoup changé en France aujourd’hui, c’est que, depuis quelques années, la peinture et le dessin sont très défendus (enfin !), au même titre que l’installation, et j’en suis très heureuse. C’est, à mon avis, grâce au développement de la participation des galeries aux foires d’art contemporain, où les galeries de nombreux pays divers se réunissent pendant quelques jours, exposant ainsi aux divers courants artistiques spécifiques à d’autres pays et à d’autres héritages culturels.
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Grâce à ce brassage, l’offre est plus universelle, je trouve.
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Christine Barbe dans le processus créatif .